Après la crise : saisir l’opportunité d’une performance accrue

 Après la crise : saisir l’opportunité d’une performance accrue

 

La crise Covid a bouleversé de nombreuses habitudes. On peut dire qu’il y a de multiples “crises dans la crise”, dont une perturbation majeure des façons de travailler, que ce soit par l’irruption massive du télétravail ou le respect de nombreuses contraintes inédites. L’ampleur des désagréments a un effet important sur le psychisme de tous, et l’après-crise ne peut plus être une reproduction à l’identique de ce qui prévalait “avant”. Dans les entreprises, chaque cas est à la fois semblable et pourtant particulier. Pour mettre en relief quelques pistes de réflexion partout utiles, je focaliserai sur une situation simple à décrire : le retour en présentiel, possiblement progressif, après une longue période de télétravail complet ou très majoritaire.

 

Les difficultés du télémanagement

Que ce soit du côté des équipiers ou de leur manager, chacun a été plus ou moins désorienté en perdant une partie de ses repères quotidiens. On a alors beaucoup parlé du télétravail et de ses effets, mais pas assez du télémanagement qui a dû compenser partiellement les déséquilibres nés de cette situation.

Dans cette entreprise de services, chaque employé peut télétravailler un jour par semaine dans un planning coordonné par le manager. Durant des années, le Comité Social et Économique a demandé la possibilité de télétravailler à plein temps. Après des semaines de télétravail complet imposé, la revendication s’est orientée vers un retour au présentiel à mi-temps.

À partir d’un survol rapide, certains s’arrêtaient donc aux possibles avantages du télétravail : une relative liberté d’organisation, ou le gain de temps de transport… Mais, avec le temps, on constate aussi et surtout un mal-être, inégal mais toujours pesant. Pourquoi ? Qu’a-t-on perdu d’essentiel ?

Ce qui est perdu c’est une large partie du relationnel quotidien, quantitativement et qualitativement ! Ce sont, chaque jour, de multiples interactions interpersonnelles, quelques-unes formelles mais la plupart informelles, allant de la conversation à la machine à café à l’interruption par un collègue qui a besoin d’un renseignement. Ainsi, chacun juxtapose à son travail organisé une multitude d’activités non planifiées qui font utilement partie de la journée de travail. Les capillarités, verticale avec le manager et horizontale avec les collègues, assurent un quotidien de relations sociales, humaines et professionnelles.

La bonne nouvelle pour l’entreprise, dans un monde où la tendance est d’insister sur les très fâcheuses relations toxiques et démotivantes qui peuvent s’y développer, évidemment trop nombreuses, c’est de redécouvrir que le travail est aussi un temps de socialisation essentiel, et même un temps de construction sociale de la personne !

 

Les opportunités de l’après-crise

Le retour en présentiel, même à mi-temps, porte à la fois le désir de retrouver une vie sociale moins réduite, et l’appréhension de renouer avec des contraintes anciennes. En somme il s’agit de reprendre les habitudes qui ont gardé leur côté rassurant, sans avoir à supporter ce qui était perçu comme inconfortable ou agaçant.

Les observations font apparaître ce mix d’espoir et d’inquiétude, un ensemble qui, le plus souvent, reste assez flou et que je reformule en “comme avant, mais en mieux”. Finalement, les personnes aspirent à du changement… Dans la continuité !

Ces attentes paradoxales sont une opportunité pour créer plus d’engagement. Le manager peut les valoriser dans une ambition qui soit à la fois positive pour les personnes et effective pour l’obtention de résultats améliorés.

 

Rester sur une ambition simple

Une ambition peut exprimer une vraie rupture, comme celle, encore célèbre, exprimée par Kennedy en 1962 : « Nous avons décidé d’aller sur la lune avant la fin de la décennie » !

Mais l’après-crise n’est pas un moment favorable pour qu’une vision trop éloignée soit acceptable et mobilisatrice. Chacun souhaite d’abord retrouver ses marques, être rassuré. Ce qui n’empêche pas de s’appuyer sur une ambition de performance qui reste inscrite dans une certaine continuité. Une bonne façon, même si ce n’est pas la seule, est de rendre visible une volonté d’améliorer les modes de fonctionnement quotidiens.

Pour démarrer, la question est : « Dans leur travail, quelles sont les frustrations des membres de l’équipe ? » Et, autant que possible, d’associer très directement ces derniers à la réflexion.

Il suffit d’observer les groupes autour de la machine à café pour voir combien chacun a mille anecdotes à raconter. En fait, après un long isolement, chacun a surtout besoin d’être écouté, de contribuer à une communauté humaine, fut-elle seulement ce petit groupe de collègues. Il y a là une superbe opportunité de susciter la mise en lumière des nombreuses “petites” difficultés du quotidien. Et de démarrer concrètement des améliorations rapides qui vont, par étapes, modifier la culture commune.

 

Orienter l’évolution vers une performance accrue

Les premières suggestions, à transformer en amélioration concrètes, concernent d’abord les “agacements quotidiens ”, souvent issus d’une mauvaise ergonomie (au sens le plus large) des processus matériels ou d’information. Des réponses tangibles et des progrès perceptibles par tous, multipliés par le soutien persévérant du manager, aident chacun à se considérer peu à peu coresponsable de l’amélioration générale. Ce sont les premières manifestations de ce que j’appelle les “initiatives convergentes” : des optimisations utiles pour les personnes et pour la performance collective. Phénomène particulièrement intéressant, avec la confiance qui grandit, de plus en plus de suggestions visent non seulement le bon déroulement du travail quotidien, mais aussi la qualité des produits ou services, les relations avec les autres départements… On assiste en direct à une appropriation de plus en plus complète du travail par ceux qui l’accomplissent !

Si une difficulté évoquée n’appelle pas de solution évidente, c’est une nouvelle opportunité, celle de réunir 3 à 5 personnes dans un groupe d’amélioration, avec, si nécessaire, l’appui d’un expert technique ou méthodologique. Au renforcement positif de la relation “verticale et professionnelle” entre manager et équipier s’ajoute rapidement un renforcement “horizontal”, professionnellement plus riche que la seule convivialité autour de la machine à café.

Émily est manager d’une équipe d’une dizaine d’ingénieurs. Ils travaillent dans une situation un peu hydride avec, pour chacun, la possibilité facultative de venir un jour par semaine au bureau. Suivant nos échanges, elle profite d’une rare journée où elle a quatre membres de son équipe sur place pour convoquer une réunion, déjà bien préparée. Ensuite elle m’appelle, ravie du résultat : « j’ai pu lancer une réflexion sur les sujets qu’ils souhaiteraient améliorer, et ils ont déjà plusieurs idées pertinentes. Sur l’une d’elles ils sont maintenant constitués en groupe de télétravail, pour proposer un plan d’action. » Puis, un mois plus tard, elle confirme : « c’est une superbe dynamique. Je vais l’élargir à toute l’équipe et en faire une pratique permanente. »

 

Communiquer, de façon interactive

Le retour en entreprise est aussi l’occasion de mieux structurer la communication au sein de l’équipe autour de sujets d’intérêt commun. Par exemple, l’amélioration des conditions de bonne réalisation du travail quotidien devient facilement un sujet récurrent qui ne se limite pas à une information, mais alimente des échanges qui nourrissent l’engagement dans plus de coopération !

L’information générale s’y ajoute de façon naturelle : chacun sera intéressé de savoir ce qu’ont été les effets de la crise et de l’après-crise sur l’entreprise, sur son marché… et par la suite il deviendra facile d’élargir ces sujets lors d’un rituel systématique.

 

Une évolution difficile

Bien d’autres pistes pourraient être abordées. Dans tous les cas, coordonner les évolutions, équilibrer maîtrise et puissance du pilotage de la transformation engagée, est complexe et ardu. Pour le manager il s’agit d’adopter avec persévérance de nouveaux comportements, dans une logique “ni trop, ni trop peu” où, face aux inévitables écueils, la tentation naturelle de revenir aux “réflexes d’avant ” reste toujours forte. Une solide “socioperception” sera alors essentielle afin d’ajuster les pratiques managériales, garder le cap et ne pas laisser le mouvement s’éteindre doucement, alors qu’il peut devenir la base d’un mouvement plus profond vers une Haute Performance Pérenne.

L’après-crise ne peut en aucun cas être un simple retour aux habitudes “d’avant”. Le valoriser comme opportunité d’une performance accrue est un challenge managérial superbe et difficile. Face aux interrogations et hésitations multiples qui ne manqueront pas de surgir, l’accompagnement par un manager qui a déjà vécu et surmonté toutes ces inévitables difficultés est une aide précieuse pour avancer rapidement et sûrement.

Vos commentaires et retours d’expérience sont les bienvenus, ainsi que vos questionnements de manager.

Christian MAISONNEUVE